Etoile du matin

Pierre paie la note

Mise en ligne Sep 22, 2014 par Etoile du Matin dans Coin Enfants
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Pierre paie la note

  

   Pierre était en vacances chez sa grand-maman. Un jour, au début de l’après-midi, elle proposa qu’ils aillent faire des courses ensemble. Pierre en fut ravi. Bien vite, ils se mirent en route.

   En arrivant à l’épicerie, ils furent accueillis par un joyeux « bon après-midi » de Madame Legris, la vendeuse, qui se tenait derrière le comptoir. Grand-maman s’avança pour lui parler et acheter les produits qu’elle avait notés sur sa liste, tandis que Pierre se promenait entre les rayons, regardant les marchandises.

   Que de belles choses ! Dans un coin, derrière une vitre, se trouvait toute une pile de miches de pain frais, ainsi que les gâteaux et les tartes les plus appétissants. Dans un réfrigérateur, il y avait des cartons de lait, du beurre, et toutes sortes de fromages. Pierre voyait, empilés sur des étagères, de beaux emballages de toutes les couleurs. Au milieu du magasin étaient disposés de grands paniers de fruits et de légumes. Tout cela constituait un tableau magnifique, et le mélange de parfums délicieux donnait très faim à Pierre.

   Vous savez probablement ce que c’est que d’avoir cinq ans, de faire une longue marche, puis d’entrer dans un magasin rempli de bonnes choses à manger. C’est la situation dans laquelle se trouvait Pierre.

   Parmi les paniers de fruits, certains étaient pleins de mûres succulentes. Pierre raffolait des mûres ! Il n’en avait jamais assez, et voilà que maintenant, il avait devant lui plus de mûres qu’il n’en avait jamais vu.

   Il tendit la main pour en prendre une, mais une petite voix sembla lui murmurer : Non, Pierre, tu ne dois pas faire cela ; ce serait du vol.

   Pourtant, les mûres avaient l’air si bonnes que Pierre eut l’impression qu’il fallait en prendre une. Après tout, pensa-t-il, il y en a tellement que personne ne s’apercevra qu’il en manque une.

   C’est ainsi que Pierre fit taire sa conscience. Il tendit la main et prit une mûre. Elle était si bonne qu’il décida d’en prendre une autre. Quel délice !

   Puis, voyant que le panier n’avait pas l’air plus vide qu’avant, il en prit une dans un autre panier. Et encore une autre. En fait, il commença un véritable repas de mûres lorsqu’il entendit une voix familière à l’autre bout du magasin :

- Pierre ! Pierre ! Où es-tu ? appelait grand-mère.

- Je suis ici, grand-maman ! cria Pierre, s’essuyant les mains à son pantalon et se dépêchant de rejoindre les grandes personnes.

- Viens vite, mon chéri, dit grand-maman. Nous sommes prêts à rentrer maintenant. Veux-tu porter un de mes sacs ? Comme tu as été gentil pendant que je faisais mes courses !

   Pierre rougit un peu en prenant le sac que grand-maman lui tendait. Ils poussèrent la porte et sortirent.

   En chemin, grand-maman s’arrêta soudainement.

- Pierre, dit-elle, regarde-moi !

   Pierre leva les yeux, essayant de paraître aussi innocent que possible.

- Quelles sont ces marques noires sur ta figure, Pierre ? demanda grand-maman.

- Quelles marques noires ? demanda Pierre.

- Tout autour de ta bouche. Pas tout à fait noires, mais violettes.

- Je ne sais pas, dit Pierre.

   Et pourtant, s’il avait pu se voir, il aurait avoué tout de suite.

- Pierre, tu as mangé des mûres, dit grand-maman. Dis-moi la vérité !

   Pierre baissa la tête.

- Juste une ou deux, dit-il.

- Où les as-tu trouvées ? demanda grand-maman.

- Dans le magasin, dit Pierre.

- Madame Legris t’a-t-elle dit que tu pouvais en prendre ?

- Non.

- Veux-tu dire que tu les as prises sans demander la permission ?

- Oui.

- Dans ce cas, Pierre a été un très vilain garçon, dit grand-maman. Il me fait vraiment honte. Allez, rentrons à la maison, et nous verrons ce qu’il faut faire.

   Pierre se mit à pleurer, et le chemin du retour fut bien triste, bien différent de la promenade agréable qu’ils avaient faite en sens inverse.

   Quand ils furent arrivés, grand-maman fit asseoir Pierre sur ses genoux, et lui dit que c’était mal de prendre ce qui appartenait aux autres. Que c’était désobéir au commandement qui dit : « Tu ne déroberas point. » Elle lui dit qu’il ne lui restait que deux choses à faire. L’une était de demander à Dieu de lui pardonner, et l’autre était de retourner chez Madame Legris, de lui payer les mûres qu’il avait mangées, et de s’excuser auprès d’elle de les avoir prises.

   Cela ne me fait rien de demander pardon à Dieu, dit Pierre, tout en continuant à pleurer, mais je ne veux pas demander pardon à Madame Legris.

- Je sais que c’est difficile, dit grand-maman, mais c’est le seul moyen de réparer. Maintenant, va chercher ton porte-monnaie.

- Est-ce qu’il faut vraiment que je paie les mûres ?

- Bien sûr ! dit grand-maman.

   Pierre soupira profondément.

- Tant pis si cela te prend toutes tes économies, ajouta grand-maman, il faut être juste. Mais je ne crois pas que tu devras tout donner. En fait, je pense que deux euros suffiront pour payer ce que tu as mangé.

- Deux euros ? dit Pierre. Est-ce que je dois donner deux euros à Madame Legris ?

- Oui, dit grand-maman. Et le plus tôt tu iras, le mieux ce sera. Essuie tes yeux, maintenant, et sois un grand garçon, bien courageux.

   Pierre s’essuya les yeux du dos de la main, et grand-maman l’embrassa. Il se mit alors en route vers l’épicerie, tenant bien fort ses pièces.

   Il pensait ne jamais arriver, tellement le trajet lui semblait pénible. Enfin, le magasin fut en vue, et, le cœur battant, il y entra.

- Comment ? Tu reviens déjà ? s’exclama Madame Legris. Grand-maman a-t-elle oublié quelque chose ?

- Non, dit Pierre, c’est moi.

- Toi ! dit Madame Legris. Qu’as-tu oublié ?

- Madame Legris, euh… euh… euh… j’ai oublié de vous payer les mûres que j’ai mangées. Et… euh… euh…euh… voilà, grand-maman m’a dit que j’en avais pour deux euros. Je vous ai apporté mon argent à moi, et… euh…euh…euh… je suis vraiment désolé de ne pas vous avoir demandé combien je vous devais tout de suite.

   Et Pierre posa ses pièces sur le comptoir, se retourna et courut vers la porte. Il l’ouvrit, se précipita dehors, et fila à fond de train vers la maison. Mais il n’était pas encore bien loin quand il entendit Madame Legris qui le rappelait.

- Pierre ! dit-elle, viens une minute ici ! Viens !

   Très lentement, Pierre fit demi-tour. Il avait peur de se faire gronder.

- Tu as oublié quelque chose d’autre, dit Madame Legris.

   Elle souriait en lui tendant un sac en papier.

- Non, dit Pierre, ce n’est pas moi qui l’ai laissé.

- Ça ne fait rien, c’est pour toi, dit Madame Legris. C’est quelque chose de bon pour le dîner.

   Puis elle lui caressa la joue et lui dit de se dépêcher de rentrer. Pierre crut voir des larmes dans ses yeux, mais il n’en était pas sûr et il ne comprenait pas.

   Comme il se dépêcha ! Il avait l’impression d’être arrivé avant de partir.

- Regarde ce que Madame Legris m’a donné ! cria-t-il. Grand-maman, regarde !

   Grand-maman regarda. C’était un gros beignet à la confiture et qui avait l’air délicieux.

- N’es-tu pas content d’être retourné au magasin et d’avoir réglé tes comptes ? demanda grand-maman.

- Oh ! Oui ! s’exclama Pierre.

- C’est toujours ce qu’il y a de mieux à faire, conclut grand-maman.