La soirée de Mabel Ashton

Mise en ligne Sep 22, 2014 par Etoile du Matin dans Coin Enfants

 Tandis que les invités se rassemblaient dans les salons brillamment éclairés de la maison de Mabel Ashton en cette froide soirée hivernale, rien dans l’apparence des pièces ne donnait à penser que la fête à laquelle ils avaient été conviés serait à bien des égards différente de cette ronde de gaieté à laquelle ils avaient participé durant une bonne partie de l’hiver. Quelques-uns des invités avaient remarqué, alors qu’ils saluaient leur jeune hôtesse, un degré inhabituel de nervosité dans sa manière d’être mais, l’attribuant à l’agitation de la préparation et à l’anticipation, ils n’y pensèrent bientôt plus, et furent bientôt engagés dans une conversation.

   Les musiciens étaient en place, et les jeunes gens commençaient à se demander pourquoi le signal de départ n’était pas donné à l’orchestre, lorsque Mabel Ashton, son doux visage, tour à tour pâle et en feu, se plaça près des musiciens. Après avoir fermé ses yeux pendant un instant, durant lequel la pièce fut parfaitement calme, elle dit d’une voix tout d’abord tremblante, puis claire et régulière :

   « Mes amis, je sais que vous  allez penser que je suis bien étrange ; mais avant de faire quoi que ce soit, il me faut vous raconter une petite histoire. 

   « J’ai fait un rêve la nuit passée, qui a eu une telle impression sur mon esprit et mon cœur que je dois vous le raconter. J’ai rêvé que ce soir était arrivé, et que vous étiez tous rassemblés dans ces pièces, lorsqu’un invité dont l’apparence était étrangement familière, mais que je ne pouvais pas reconnaître fut introduit ici. Son visage était singulier, paisible, mais possédant une expression un peu triste. Son regard était plus pénétrant qu’aucun autre que j’ai vu auparavant. Il était vêtu d’une manière soignée, tout en étant d’une grande simplicité, et pourtant il y avait quelque chose dans son apparence qui faisait de lui un homme peu ordinaire.

   « Alors que j’essayais de me souvenir où je l’avais vu, il s’avança vers moi, prit ma main et dit : “Ne me reconnais-tu pas, Mabel ?” Surprise par une telle entrée en matière de la part d’un étranger, je ne pus que dire : “Votre visage semble familier, monsieur, mais je n’arrive pas à me souvenir de votre nom.”

   « “Pourtant tu m’as invité à venir ici ce soir, ou devrais-je dire, tes parents et toi m’avez fréquemment invité à être présent avec vous à chaque fois que je le peux. Tu m’as invité à faire ma demeure ici ; et je suis venu ce soir me joindre à votre petite assemblée.”

   « “Je vous demande pardon”, répondis-je, “mais je suis encore plus perplexe, et je vous demande de bien vouloir m’éclairer en me disant à qui j’ai le plaisir de parler.”

   « Alors il a présenté à mon regard les paumes de ses mains, dans lesquelles se trouvaient des cicatrices semblables à celles faites par des clous, et il m’a regardée profondément avec ses yeux perçants et pourtant si tendres ; je n’avais pas besoin qu’il me dise : “ Je suis Jésus-Christ, ton Seigneur.”

   « Dire que j’étais étonnée serait exprimer une petite partie de ce que j’ai ressentie. Pendant un instant je suis restée immobile, ne sachant que dire ou que faire. Pourquoi m’était-il impossible de me jeter à ses pieds et de dire de tout mon cœur : “Te voir ici me remplit de joie, Seigneur Jésus” ?

   « Avec ce regard accroché au mien, je ne pouvais pas le dire ; car ce n’était pas vrai. Pour des raisons qu’il m’était impossible à cet instant là de comprendre en totalité, j’étais désolée qu’il soit venu. C’était une pensée affreuse : être heureuse de vous avoir tous ici, et pourtant être désolée de voir mon Sauveur ! Se pouvait-il que j’avais honte de lui, ou bien avais-je honte de quelque chose en moi-même ?

   « Enfin, je me suis ressaisie, et dit : “Tu souhaites parler à mes parents, j’en suis sûre.”

   « “Oui, Mabel,” alors qu’il m’accompagnait vers le lieu où mon père et ma mère étaient assis, regardant avec surprise mon évidente confusion en saluant un invité inattendu ; “mais je suis venu ce soir principalement pour être avec toi et tes jeunes amis ; dans vos rencontres de jeunesse je t’ai souvent entendu dire avec enthousiasme combien merveilleux ce serait de m’avoir présent avec toi de manière visible. ”

   « A nouveau le rouge me vint aux joues à la pensée que demain soir il y avait la réunion de prière ; j’aurais été tellement heureuse de le voir à ce moment-là. Mais pourquoi pas ce soir, à cette agréable occasion ? Je le conduisit vers mes parents, et le présentai, d’une manière un peu honteuse.

   « Ils furent tout d’abord très étonnés, mais, convaincus par son apparence sur laquelle on ne pouvait pas se méprendre, mon père retrouva suffisamment de sang-froid pour lui souhaiter la bienvenue. Et tout en lui offrant un siège, fit remarquer que c’était un plaisir inattendu. Après une pause assez longue, il expliqua à Jésus que sa fille Mabel, très occupée par ses études, et n’ayant que peu de changements dans la vie, avait reçu la permission d’inviter quelques amis pour une soirée amicale, avec quelques danses calmes pour faire un peu d’exercice – excellent pour la santé. Ses amis étaient parmi les meilleurs, et il pensait qu’il s’agissait d’un amusement inoffensif, que l’église en était venue à considérer sous un jour différent d’il y avait quarante ans. En enlevant tout ce qu’il y avait de répréhensible dans les mauvaises compagnies, on avait fait de ce passe-temps plaisant un privilège sans risque.

   « Alors que mon père balbutiait, en présence de Jésus, ces paroles d’excuse, qui étaient tombées de mes propres lèvres, je me sentis devenir rouge de honte aussi bien pour mon père que pour moi. Pourquoi devait-il s’excuser de quelque chose qu’il considérait juste ? Combien cela sonnait creux en présence du Seigneur ! Jésus ne savait-il pas que mes études n’étaient pas si pressantes mais que je pouvais passer de longues heures à des fêtes, parfois plusieurs fois par semaine ?

   « Puis père, anxieux de soulager mon embarras évident dit : “Je suis certain que nous pouvons laisser ces jeunes ensemble sans aucun souci, et rien ne me ferait plus plaisir que de t’emmener, Seigneur Jésus, dans mon bureau pour que nous puissions converser ensemble.”

   « “Non”, répondit Jésus, “Mabel m’a souvent invité, et ce soir je suis venu tout spécialement pour être avec elle. Me présenteras-tu à tes amis, Mabel ? Je connais certains d’entre eux, mais pas tous.”

   « Bien sûr, à ce moment-là vous, mes amis, regardiez très souvent dans notre direction, vous demandant quelle était la cause de notre embarras, et vous imaginant peut-être que nous étions mal à l’aise en raison de l’arrivée d’un invité pas tout à fait bienvenu. Je le dirigeais tout d’abord vers certains d’entre vous qui vont à l’église, et aucun parmi vous ne semblait très à l’aise après avoir été présentés à Jésus.

   « Alors que l’on se rendait compte de l’identité de l’invité, les visages changèrent de couleur, et certains parmi vous semblaient avoir un vif désir de quitter la pièce. On aurait dit que les membres d’église étaient aussi peu désireux de rencontrer Jésus que ne l’étaient ceux qui n’étaient pas chrétiens.

   « L’un de vous vint doucement me voir et me chuchota : “Veux-tu que je dise aux musiciens de ne pas jouer de musique de danse, mais de chercher de la musique sacrée ?” Jésus entendit la question, et, nous regardant tous deux bien en face, demanda simplement : “Pourquoi ferais-tu cela ?” et nous ne pûmes rien répondre. Quelqu’un suggéra que nous aurions une soirée agréable et profitable si nous changions nos plans d’origine et que nous invitions Jésus à nous parler. Et cette suggestion rencontra cette question pénétrante : “Pourquoi ma présence changerait-elle vos plans ?”

   « Après avoir présenté le Seigneur Jésus à chacun de vous, et que personne ne savait quoi faire, Jésus se tourna vers moi et dit : “Vous aviez l’intention de danser, n’est-ce pas ? Il est grand temps de commencer, ou bien vous ne pourrez pas finir votre programme avant l’aurore. Ne veux-tu pas dire aux musiciens de commencer, Mabel ?”

   « J’étais très embarrassée. Si mon plan d’origine avait été juste, sa présence aurait ajouté uniquement de la joie à cette occasion ; et pourtant, tous mes invités, ainsi que moi-même nous sentions très mal à l’aise en présence de celui que la plupart d’entre nous appelions notre meilleur Ami. Déterminée à mettre de côté ce sentiment et à être moi-même, je demandai aux musiciens de jouer la première danse.

   « Le jeune homme avec lequel je devais danser ne vint pas me retrouver, et personne ne vint sur la piste. C’était encore plus embarrassant. L’orchestre joua encore une fois, et deux ou trois couples commencèrent à danser d’une manière très formelle, plus pour me soulager que pour toute autre raison. J’étais presque hors de moi de honte et de confusion, lorsque le Seigneur Jésus se tourna vers moi et me dit : “Mabel, tes invités ne semblent pas à l’aise. Pourquoi ne soulages-tu pas leur embarras, toi qui es leur hôtesse, en dansant toi-même ? Est-ce que cela te soulagerait si j’offrais de danser avec toi ?”

   « Ma confusion fit place à une expression presque horrifiée, alors que je regardais dans ses yeux tendres et tristes à la fois et me suis écriée : “ Toi, danser ! Mais tu ne peux pas dire cela ?”

   « “ Et pourquoi pas, Mabel ? Si mes disciples peuvent danser, pourquoi ne le pourrais-je pas ? As-tu pensé, durant tout l’hivers, que lorsque tu te rassemblais avec d’autres de mes disciples pour des danses, des parties de cartes, ou pour aller au théâtre, que vous me laissiez à la maison ou à l’église ? Tu demandais ma présence lors des réunions de prière ; mais là, tu ne voulais pas ; pourquoi cela, ma chère enfant ? Pourquoi ne m’as-tu pas souhaité la bienvenue ce soir, Mabel ? Pourquoi ma présence a-t-elle gâchée ton plaisir ? Bien que je sois un « homme de douleur, et habitué à la souffrance », je prends plaisir à partager et à augmenter toutes les joies pures de mes disciples. Est-ce possible que tu me laisses en dehors de certains de tes plaisirs, Mabel ? Si c’est le cas, n’est-ce pas parce que tu as le sentiment qu’ils ne t’aident pas à devenir comme moi et à me rendre gloire ; qu’ils prennent ton temps, tes forces, et tes pensées à un tel point que tu prends moins plaisir à ma Parole et à la communion avec moi ? Tu as demandé : « Quel est le mal ? ». T’es-tu demandé « A quoi cela sert-il ? » As-tu fais ces choses pour la gloire de Dieu ?

   « Tout était clair pour moi, à présent. Vaincue par ma conscience qui me travaillait et par une profonde tristesse, je me jetai à ses pieds et pleurai de repentance.

   « Avec un : “Va en paix, ma fille ; tes péchés te sont pardonnés” il s’en alla. Je me réveillai et réalisai que c’était un rêve. Maintenant je veux vous demander, mes amis, allons-nous continuer le programme de ce soir comme prévu, ou allons-nous prendre les listes que nous avons préparé, pour discuter pendant un moment avec nos partenaires de la question : “Qu’est-ce que les jeunes gens peuvent faire pour rendre le monde meilleur par leur vie ?” ? »

   Le vote fut unanimement en faveur de la deuxième proposition et fut suivi d’autres activités récréatives saines. Cette soirée amicale fut déclarée la meilleure de l’hiver, et on peut dire sans risque que le Seigneur Jésus avait donné ce rêve pour le bien d’autres personnes que Mabel Ashton. – Journal Presbytérien

   Tiré du livre « Stories worth rereading » (Histoires à lire et à relire) édité par la Review and Herald Publishing Association en 1913.

 

   Cher jeune lecteur,

   Tu as remarqué que cette histoire avait été publiée en 1913. Bien évidemment les temps ont changés, les activités récréatives aussi, mais le fond reste le même. Le rêve de Mabel Ashton est valable encore aujourd’hui. Serions-nous heureux de voir Jésus venir nous visiter alors que nous jouons à notre jeu vidéo favori, ou que nous regardons notre feuilleton préféré ? Serions-nous reconnaissants pour sa présence alors que nous nous préparons à aller à une soirée entre amis ? Nous prions pour qu’Il vive avec nous, mais aurions-nous vraiment envie qu’Il soit à nos côtés et qu’il entende nos discussions avec nos amis lors de réunions récréatives du Sabbat après-midi ?

   Ces questions, je te les pose, mais je me les pose aussi. Dieu désire que nous réfléchissions à tout cela, et que nous ayons le désir d’être toujours prêt à avoir Jésus à nos côtés à chaque instant. Son plus grand désir est que nous suivions son exemple et que nous marchions comme lui-même a marché. (Lis 1 Jean 2 : 6)

   C’est mon appel pour toi aujourd’hui. Saches que Marc et moi pensons à toi et que tu es dans nos prières. Fais de Jésus ton meilleur ami et regarde toujours à lui,

Ton amie, Elisabeth