Etoile du matin

L'ami Sébastien

Mise en ligne Sep 21, 2014 par Etoile du Matin dans Coin Enfants
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L’ami Sébastien

   Même quand Sébastien s’efforçait de parler tout doucement, sa voix joyeuse résonnait d’un bout du village à l’autre !

   Aujourd’hui, elle s’élevait encore plus forte que d’habitude.

- Pierre ! Pierre ! cria Sébastien à son meilleur ami, qui était aussi son voisin. Je vais à Paris chez tante Clara !

   Pierre, Matthias, et David, qui jouaient ensemble, vinrent en courant.

- Quand est-ce que tu pars ? demanda David, les yeux brillants.

- Demain ! dit Sébastien.

   Pierre secoua la tête.

- Les Parisiens ne sont pas très sympathiques. La dernière fois que je suis allé à Paris, personne ne m’a adressé la parole.

- Est-ce que tu as essayé de te faire des amis ? demanda Sébastien.

   Pierre haussa les épaules. 

- Comment veux-tu devenir l’ami de quelqu’un qui est trop occupé, même pour répondre à une question polie ? 

- Ne t’en fais pas, Sébastien, dit David d’un ton réconfortant, tu t’amuseras bien quand même. 

- Oui, évidemment, dit Pierre, il va voir le défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées.

- Et la Tour Eiffel, et le métro ! ajouta Matthias.

- Oui, dit Sébastien.

Mais sa voix n’était plus aussi joyeuse. Après un moment, il sourit quand même. Peut-être que Pierre se trompait. Ce n’était pas possible qu’il n’y ait personne de sympathique dans une aussi grande ville que Paris.

   Le lendemain matin, cependant, quand Jules monta dans l’autobus pour Paris, il se souvint des paroles de Pierre. Personne ne le regarda et personne ne lui parla. Sébastien se tint debout, sa valise dans une main et un grand sac de légumes frais pour sa tante Clara dans l’autre.

- Assieds-toi là, dit le conducteur de l’autobus en lui montrant un siège à côté d’une femme à l’air sévère vêtue de noir. Mets ta valise et ton sac là, dans le filet au-dessus de ta tête.

- Oui, monsieur, merci ! dit Sébastien, et sa voix résonna jusqu’au fond de l’autobus. 

   Tous les passagers levèrent la tête, surpris d’entre une si grosse voix s’échapper d’un si petit garçon.

- Bonjour, madame, dit Sébastien doucement à sa voisine.

La femme fit un signe de tête très distant. Sébastien se hissa sur la pointe des pieds pour mettre ses bagages dans le filet. Au même moment, l’autobus eut une secousse.

- Oh ! cria Sébastien, et il tomba sous une douche de carottes, de haricots et de choux.

   La femme en noir n’avait plus l’air sévère. Elle s’inquiéta :

- Tu t’es fait mal ?

- Non, madame ! s’écria Sébastien, le visage tout rouge. Mais je voulais transporter les légumes de mon père, et pas les porter sur moi.

Il se mit à rire en enlevant une botte de carottes encore perchée sur sa tête. 

   Bientôt, tout le monde dans l’autobus riait. Sébastien rassembla ses légumes.

- C’est pour tante Clara. Elle habite Paris, je vais passer quelques jours avec elle, expliqua-t-il a un homme dont la lèvre supérieure s’ornait d’une magnifique moustache noire.

- C’est ton premier voyage tout seul ? demanda l’homme en souriant.

- Oui, monsieur ! répondit la voix joyeuse de Sébastien.

   La femme qui était assise derrière Sébastien ramassa un chou pour lui.

- Ce n’est pas souvent que je vois d’aussi beaux choux en ville ! dit-elle.

- Gardez-le, madame ! s’écria Sébastien.

   Un murmure d’approbation parcourut l’autobus, et bientôt tout le monde riait et bavardait. Chacun parla de son endroit préféré à Paris et insista pour que Sébastien n’oublie pas de le visiter. Même le conducteur se montra amical et il souriait lorsque l’autobus arriva dans les faubourgs de Paris.

- Ma parole ! s’écria Sébastien de toute sa voix, cette ville est immense !

- Pas beaucoup plus immense que ta voix, mon petit ! dit Mme Dumont, sa voisine, en riant.

   Sébastien sourit.

- J’essaie de parler doucement, mais parfois, j’oublie ! 

- Ta voix est gaie ! dit Mme Garros, tenant le chou que Sébastien lui avait donné.

- C’est bien vrai ! acquiesça M. Charvet, l’homme à la moustache noire. Grâce à elle, nous sommes presque tous de vieux amis.

   Au même moment, l’autobus s’arrêta près d’une grande gare. Soudain, tout changea ! Plus personne ne souriait. Chacun était sur ses pieds, rassemblait ses bagages et se frayait un chemin dans l’allée. Tout le monde se dispersa sans dire au revoir, et Sébastien se retrouva tout seul dans le grand autobus. Il prit ses affaires, descendit sur le trottoir encombré et chercha tante Clara du regard. Elle n’était pas là ! Sébastien frissonna et entra dans la gare. Tante Clara n’était pas là non plus. 

   Sébastien chercha dans sa poche le morceau de papier sur lequel sa mère avait écrit l’adresse de tante Clara et son numéro de téléphone. Il toucha le bras d’un homme qui passait. L’homme fronça les sourcils, repoussa la main de Sébastien et repartit en courant. Sébastien soupira. Pierre avait raison, les gens de la ville n’étaient pas sympathiques !

   Sébastien se précipita vers un porteur transportant des bagages.

 - Pouvez-vous m’aider ? demanda-t-il.

Sa voix profonde résonna sous les voûtes de la gare.

- Il faut que je trouve un téléphone et que j’appelle tante Clara.

- Sébastien ! cria une voix sur la droite du garçonnet.

   Sébastien regarda autour de lui.

- Sébastien ! cria une autre voix à sa gauche.

- Mon pauvre garçon ! s’écria encore quelqu’un d’autre.

   Le cœur de Sébastien battit de joie lorsqu’il vit s’approcher M. Charvet, Mme Dumont et Mme Garros.

- Je pensais que l’un d’entre vous resterait avec lui jusqu’à ce qu’il trouve sa tante ! dit M. Charvet d’un ton de reproche aux deux dames.

- Nous pensions que vous le feriez ! dit Mme Garros.

   Mme Dumont acquiesça.

- Ne t’en fais pas, Sébastien ! Nous allons trouver ta tante Clara !

- Regardez ! s’écria Sébastien tout joyeux, en montrant une petite femme en manteau rouge, voilà tante Clara !

- Mon taxi a été retardé par le trafic, expliqua tante Clara, toute essoufflée. Est-ce que tu as eu peur quand tu ne m’as pas vue en descendant de l’autobus ?

- Oui, un peu, au début, dit Sébastien, et puis mes amis de l’autobus sont revenus m’aider. 

   Sébastien présenta tante Clara à ses nouveaux amis.

   M. Charvet s’inclina poliment.

- Je vous invite tous à déjeuner demain, dit-il. Nous allons former un club pour les étrangers qui viennent visiter notre ville.

- Ça, c’est une bonne idée ! dit Mme Garros.

- Oui, et nous appellerons notre club « L’ami Sébastien », ajouta Mme Dumont.

   Jules ne put que faire un signe de tête. Il était si heureux que, pour une fois, cela lui coupa la parole. 

« Je vais écrire à Pierre, ce soir, se dit-il, et je lui dirai qu’il a tort. On trouve des amis partout ! »