Etoile du matin

Moi construire église

Mise en ligne Sep 22, 2014 par Etoile du Matin dans Coin Enfants
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« Vous finir battre moi ? … Moi construire Église ! »

- Piarre ! Piarre ! Où es-tu ?

   Aucune réponse ne vint de l’école déserte. Où était Piarre ?

   Le missionnaire Campbell faisait une tournée dans les montagnes de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Il était venu visiter Piarre, qui était supposé enseigner l’école de ce petit village au nord du lac Ibai. Mais Piarre avait disparu.

   L’école était vide. Toutes les femmes du village travaillaient dans leurs jardins, et les hommes étaient à la chasse. Quelques enfants se rassemblèrent, curieux à la vue du visiteur blanc.

- Où est Piarre ? demanda le pasteur Campbell.

- Piarre est parti, dirent les enfants. Il est parti la semaine dernière.

- Où est-il parti ?

- Des hommes sont venus des montagnes. Ils voulaient que Piarre parte avec eux. Ils avaient demandé un instituteur du septième jour, mais personne n’était venu. Maintenant, ils sont venus chercher Piarre, et Piarre est parti avec eux pour les aider.

- Quel genre d’hommes était-ce ? Venaient-ils d’une autre mission ?

- Non, c’étaient des kanakas — des hommes sauvages avec des plumes et tatoués pour la guerre. Ce n’étaient pas des chrétiens.

   Le pasteur Campbell soupira. C’était la même vieille histoire. Envoyez un indigène consciencieux dans un village où il y a déjà une église ou une école, et il sera débordé de demandes d’autres villages. Quelques instituteurs pensaient qu’il leur fallait aller aider ces villages solitaires où le message adventiste n’avait pas encore pénétré. Piarre était l’un des instituteurs les plus consacrés, et le missionnaire savait bien que la plus grande ambition de ce jeune homme était de travailler dans de nouvelles régions.

   Le pasteur Campbell soupira profondément. Ce serait inutile d’essayer de trouver Piarre. Il quitte le village et continua sa tournée.

   A la fin du trimestre, Piarre se rendit au siège de la mission pour toucher son salaire et donner un rapport de son travail. Il apportait avec lui les dîmes de ceux qui observaient le Sabbat, et des nouvelles ! Des nouvelles passionnantes !

   Il dit au pasteur Campbell :

- J’ai trouvé des endroits où le message adventiste n’a jamais été prêché. Ils veulent que j’aille les enseigner. Ils doivent être prévenus du retour du Christ. Puis-je aller parler de Jésus à ces gens ?

- Où se trouvent-ils ? demanda le pasteur Campbell ?

   Il fut surpris quand Piarre lui dit qu’ils se trouvaient au milieu d’une région où une autre église avait déjà établi une mission. C’était un endroit où notre œuvre était mal représentée.

- Tu veux vraiment aller là ? demanda le pasteur Campbell ?

- Rien ne me ferait plus plaisir.

- Mais c’est un travail difficile. Tu seras seul. Et nous ne pourrons pas te payer. Tant que tu restes instituteur, il y a de l’argent pour toi. Mais si tu te lances dans l’évangélisation, aucune somme n’est prévue pour ce travail. Tout l’argent est déjà distribué parmi les autres évangélistes. Tout au plus, nous pourrions te considérer comme un aide instituteur.

   Piarre réfléchit pendant une longue minute. Ce serait un vrai sacrifice. Il ne pourrait plus compter sur le salaire qu’il recevait chaque trimestre. Il ne recevrait qu’un peu de riz et de sel chaque trimestre et un peu de tissu. Peut-être que si les dîmes étaient bonnes, il y aurait quelques shillings pour lui. Ce serait tout.

- Maître, j’irai comme aide instituteur. Ces gens doivent être avertis du prochain retour de Jésus. C’est ce que je veux faire.

   Quelques heures plus tard, Piarre était en route. Il avait soigneusement emballé ses quelques possessions, les avait jetées sur son épaule et s’était dirigé vers les montagnes. Quelques minutes plus tard, il avait perdu de vue les bâtiments de la mission, cachés derrière l’arête de montagne à pic qu’il descendait. Plusieurs heures plus tard, il s’arrêta pour se reposer et manger près du torrent. Bien qu’à très peu de distance en ligne directe de la mission, il avait parcouru bien des kilomètres. Les pistes étaient glissantes, longeaient des précipices, et étaient usées par des siècles de marche.

   Il salua un groupe de guerriers qui se rendaient à une danse. Il pensa à son passé, alors que lui aussi s’était orné de plumes et d’ailes de scarabées. Il se souvint des longues heures que son peuple passait à confectionner les immenses perruques qu’ils portaient lors de leurs fêtes païennes. Puis il fut reconnaissant pour la délivrance de la peur qu’il avait trouvée en Christ. Quand la mission du septième jour était venue, son peuple était malade, effrayé jour et nuit, et continuellement en guerre avec ses voisins. Maintenant, il y avait tant de joie dans son cœur qu’il se mit à chanter – ce qui surprit grandement le groupe d’indigènes qui le croisait sur la piste.

   Après quelques jours de marche, il était arrivé au village qui lui avait demandé de lui enseigner le message adventiste. Il était loin de chez lui, seul dans sa foi, et entouré d’un peuple encore presque entièrement plongé dans le paganisme.

   Bien que certains villageois l’aient supplié de venir, Piarre se rendit compte que des troubles s’étaient élevés depuis cette invitation. Le chef d’une autre mission était venu au village et avait dit à tout le monde ce qui se passerait si l’adventiste venait.

- Vous devrez renoncer à vos cochons, leur dit-il. Vous ne pourrez avoir qu’une femme. Ils vous prendront votre bétel, et vous feront payer un dixième des produits de votre jardin à la mission.

   Quelques-uns des villageois élevèrent la voix en faveur de la « mission propre » des adventistes, mais ce dirigeant avait bientôt gagné la plupart des villageois à ses vues. L’arrivée de Piarre suscita une grande dispute.

   Puisque c’était le luluai (chef) qui lui avait demandé de venir au village, Piarre attendit que la dispute s’apaise un peu, puis il se rendit seul chez le chef.

   Le vieux luluai écouta, puis il réfléchit profondément avant de donner sa réponse.

- C’est vrai que nous sommes venus demander que ta mission vienne s’installer ici, Piarre, mais c’était il y a des mois. Depuis, d’autres missionnaires sont venus nous aider. Nous voudrions bien garder ta mission aussi, car vous pouvez certainement aider notre peuple, mais j’ai peur qu’il y ait des troubles si tu restes. Ceux qui veulent garder leurs vieilles habitudes ne veulent pas que tu restes. Il y a déjà beaucoup d’agitation, et j’ai peur pour ta vie.

- Je fais le travail de Dieu, répondit Piarre. Si vous voulez que je reste, je resterai Vous m’avez promis un terrain pour l’église. Où est-il ?

- D’autres ont voulu ce terrain, mais je l’ai réservé pour toi, car j’espérais que tu viendrais. Mais j’ai bien peur qu’il y ait de graves troubles si tu restes. Les hommes disent qu’ils veulent se battre contre toi.

- N’ayez pas peur, je ne me battrai pas contre eux, dit Piarre. Je me mettrai à construire mon église dès que possible.

   Quelques jours plus tard, les poutres étaient coupées, l’herbe avait été liée en gerbes pour le toit, et tout était prêt pour commencer la construction.

   Les hommes continuaient à se disputer et à marmotter. Le feu couvait. Avant de se mettre à creuser le premier trou, Piarre prit le temps de prier. Demain matin, lorsqu’il commencerait vraiment à bâtir, ce serait le moment crucial.

   Piarre avait déjà monté plusieurs poutres lorsqu’il vit un groupe d’hommes sortir du village, bâtons et pierres à la main. Tous criaient et hurlaient.

- Sors de notre village ! Nous ne te voulons pas ici !

- Nous voulons nos cochons ! Nous voulons notre bétel !

- Va-t’en ! Va-t’en !

   Piarre continua à travailler tout en priant. Aucun mot ne sortit de sa bouche tandis qu’il mettait une autre poutre en position. Irrités, les hommes firent cercle autour de lui. Puis ils se mirent à arracher les poutres déjà en place. Bientôt, elles étaient toutes dispersées dans la clairière.

   Piarre ne dit toujours rien. Calmement et délibérément, il ramassa l’une des poutres déracinées et la remit en place. Puis une autre, et une troisième. Mais aussi vite qu’il les mettait en place, les hommes les arrachaient.

   Voyant qu’ils n’arrivaient pas à provoquer la colère de Piarre, les hommes devinrent furieux. L’un d’eux prit un bâton et visa Piarre. Piarre vit trente-six chandelles et chancela. D’autres se joignirent à la mêlée. Bientôt, le missionnaire indigène fut cloué au sol par les bâtons, les pierres et les coups qui pleuvaient sur lui.

   Craignant de l’avoir tué, les hommes s’éloignèrent. Mais Piarre était loin d’être mort. Malgré son visage enflé, il sourit, puis regarda autour de lui.

- Vous finir battre moi ? dit-il. Moi construire église qui appartient à Dieu ! Serrez-moi la main. Je viens vous aider. Mon Dieu, il vous aime. Laissez-moi bâtir l’église, et je vous parlerai du Dieu qui aime tous les hommes.

   La colère s’empara à nouveau des hommes. Encore une fois, ils battirent Piarre jusqu’à ce qu’il ait presque perdu connaissance. Et une fois de plus, Piarre se redressa lorsque les hommes s’éloignèrent.

- Vous avez fini de me battre maintenant ? Quand vous finissez, je construis l’église. Je ne me battrai pas avec vous. Vous partez et vous me laissez construire l’église.

   Aussi prompts au rire qu’à la colère, les hommes furent confondus par la bonne humeur de Piarre et quittèrent le site choisi pour l’église.

   Quelques-uns dirent :

- Tu es un homme bon, Piarre. Quand nous sommes en colère, tu souris. Quand nous te battons, tu ne te bas pas. Nous ne te battrons plus.

   Seul un homme resta.

- Tu es un homme bon, dit-il. C’est vrai ce qu’ils disent. Je vais rester et t’aider à construire ton église. Et dans ma hutte il y a de la place pour toi. Tu peux venir habiter avec moi.

   Travaillant ensemble, le vieil homme et le jeune instituteur furent laissés en paix tandis qu’ils construisaient l’église. Des curieux vinrent examiner les progrès, mais personne n’offrit son aide. Bientôt, l’église fut terminée. Piarre considéra le travail, puis il remercia Dieu.

   Mais les villageois viendraient-ils à l’église ? Le sabbat donna la réponse ! Curieux, des hommes, des femmes et des enfants de toutes tailles se pressèrent dans l’église du septième jour en ce premier sabbat. Ils étaient venus pour voir quel genre de culte ferait Piarre. Surpris et intéressés, ils observèrent Piarre dérouler le rouleau d’images. Enfants aussi bien que vieillards restaient assis sans bouger pour écouter l’histoire de l’Evangile. Ils n’avaient jamais rien entendu de semblable.

   Ils revinrent sabbat après sabbat. L’opposition s’éteignit, puis se transforma en enthousiasme pour la nouvelle mission. Des changements eurent lieu dans le village. Les cochons furent chassés, et les jardins furent entourés de barrières. Des bouches depuis longtemps tachées par le bétel devinrent propres, et les dents retrouvèrent leur blancheur. Des fleurs firent leur apparition le long de la rue du village. La propreté devint bientôt un genre de vie.

   Piarre était plus qu’enchanté de la transformation. Bientôt, son travail serait achevé, et il pourrait répondre à un autre des nombreux appels qu’il recevait.

   Bientôt, dix-huit âmes furent prêtes pour le baptême. Parmi elles se trouvaient des hommes qui l’avaient battu tandis qu’il bâtissait l’église. Maintenant, tout était oublié. Après les baptêmes, il y eut un appel afin que d’autres s’y préparent. Des larmes remplirent les yeux de Piarre lorsqu’il vit se presser autour du pasteur Campbell d’autres de ses anciens persécuteurs. Quelle journée ! Quelle joie !

   Tel est le bonheur de tous ceux qui amènent des pécheurs au Christ.

W. S.