Tu ne feras aucun ouvrage...
Tu ne feras aucun ouvrage…
Molosiwa aimait le Seigneur Jésus. En Afrique, où il vivait, les habitants du pays étaient réquisitionnés et devaient travailler pour le gouvernement indigène lorsqu’ils en recevaient l’ordre. Ils étaient divisés en « régiments » qui étaient commandés par des officiers indigènes.
Le travail qui incombait à Molosiwa était de ramasser du bois, car le gouvernement indigène se réunissait très tôt le matin, bien avant l’aube, et il devait toujours y avoir une bonne provision de bois pour faire du feu. Les hommes de corvée attelaient leurs chars à bœufs, et bien souvent il leur fallait plusieurs jours avant d’avoir recueilli la quantité de bois nécessaire.
Un jeudi matin, Molosiwa fut appelé avec ceux de son régiment pour ramasser du bois. Il prit son char et se rendit à l’endroit du rendez-vous. Il était malheureux d’avoir été appelé si tard dans la semaine. Le sabbat risquait d’arriver avant qu’il n’ait complété son chargement, et à moins de consentir à travailler ce jour-là – ce qu’il ne voulait à aucun prix – il pouvait s’attendre à avoir des ennuis. Il savait qu’il ne pouvait pas compter sur la compréhension ou l’indulgence de son supérieur, mais qu’au contraire, celui-ci s’ingénierait à lui rendre la vie dure. Il accomplit de son mieux le travail qui lui avait été confié ; au moins, personne ne pouvait le taxer de paresseux ! Hélas ! dès le vendredi matin, il sut qu’il n’aurait pas fini à temps, et il décida immédiatement quelle serait sa conduite.
Environ une heure avant le coucher du soleil, il conduisit ses bœufs à l’étable, vers un endroit propice pour camper, et commença à les dételer. Les autres hommes arrêtèrent leurs chars pour voir ce qui se passait, et l’officier s’approcha de lui pour lui demander ce qu’il faisait.
- Regardez le soleil à l’horizon, dit-il à son chef : dans une heure, lorsqu’il sera couché, ce sera le commencement du sabbat de Dieu, et je ne dois pas travailler ce jour-là. Je vais camper ici jusqu’à lundi matin, puis j’apporterai mon chargement à la ville. (Le gouvernement interdisait tout travail le dimanche, c’est pourquoi il parla de revenir le lundi.)
- Il n’en est pas question ! répondit l’officier. Tu vas atteler tes bœufs immédiatement et venir avec nous.
- Non, Monsieur ! Je regrette, mais je ne le puis.
- Dans ce cas, nous le ferons à ta place. Venez, vous autres, et attelez ces bœufs ! C’est ridicule ! Nous n’allons pas tolérer pareille absurdité !
Molosiwa se plaça devant les animaux immobiles et dit d’un ton résolu :
- Non, Monsieur ! Je ne puis consentir à cela non plus, car le commandement de Dieu dit : « Tu ne feras aucun ouvrage… ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail… » Mais je vous promets de rentrer avec mon chargement lundi matin.
- Non, Molosiwa, tu ne t’en sortiras pas ainsi. Je vais porter plainte contre toi pour avoir refusé d’obéir à mes ordres, et tu sais combien cette accusation est sérieuse ! En outre, tu seras passible d’une amende de cinq bœufs, au minimum.
- Très bien, Monsieur. Faites comme bon vous semble. Mais je dois obéir aux commandements de Dieu.
Et le régiment poursuivit son chemin sans Molosiwa, qui campa le sabbat et le dimanche. De bonne heure le lundi matin, il attela ses bœufs et conduisit son chargement de bois à la ville.
Son supérieur porta plainte contre lui pour avoir refusé d’obéir à ses ordres. Il fut reconnu coupable et condamné à payer une amende de cinq bœufs.
Cependant, il avait le droit de faire appel à ce jugement s’il le désirait. Mais si le juge maintenait le verdict, l’amende serait doublée ! Molosiwa décida de courir ce risque.
Le juge avait entendu parler de son cas et s’y était même intéressé au point de prendre des renseignements sur lui auprès des hommes de son régiment. Cependant, lorsque l’officier se présenta devant lui pour renouveler son accusation, il commença son interrogatoire sans laisser voir d’aucune manière qu’il était au courant.
- De quoi accusez-vous cet homme ? dit-il.
- D’avoir refusé d’exécuter mes ordres, Monsieur le Juge.
- Quels étaient ces ordres ?
- Je lui ai dit de ramener un chargement de bois.
- A-t-il refusé d’obéir ?
- Non, pas exactement.
- Mais, en réalité, a-t-il apporté le bois ?
- Oui, il l’a apporté.
- Dans ce cas, de quoi l’accusez-vous ? Vous dites que vous lui avez intimé l’ordre de ramener du bois, et c’est ce qu’il a fait. L’accusation ne tient pas, à moins que vous ayez d’autres charges contre lui.
- Mais il a refusé de faire rentrer son chargement le vendredi soir ou le samedi, sous prétexte que c’était son sabbat !
- Cela fait longtemps que je désirais juger un cas pareil, répliqua le juge. J’admire un homme comme Molosiwa, qui a le courage de ses opinions. Et quoique je ne sois pas d’accord avec ses croyances, je suis persuadé que ce serait injuste de le punir parce qu’il observe le sabbat, s’il croit que c’est ce que la Bible enseigne. Rendez-lui ses cinq bœufs et ne soumettez plus des cas comme celui-là devant cette cour !
C’est ainsi que tout finit bien pour Molosiwa, parce qu’il était un chrétien sincère, qui vivait en accord avec ses convictions. Mais Marc, un autre homme qui habitait dans la même région, fit une expérience fâcheuse, et par sa propre faute encore !
Marc se disait observateur du sabbat, mais il n’obéissait pas à ce commandement d’une façon scrupuleuse. Lui aussi reçut l’ordre de ramasser du bois le jour du sabbat. Comme il refusait, il dut payer une amende de six bœufs. Comme Molosiwa, il fit appel, et le même juge fut désigné pour juger son cas.
- Tu dis que tu observes le samedi comme jour de repos ? demanda celui-ci.
- Oui, Monsieur le Juge.
Alors le juge le regarda droit dans les yeux et dit d’une voix lente où chaque mot avait son poids :
- Qui est-ce qui a été vu en train de couvrir son toit de chaume un samedi matin, il n’y a pas très longtemps ?
Marc tressaillit.
- Et qui, un samedi matin, labourait son champ qui se trouve là-bas, dans la brousse, où il croyait que personne ne le verrait ? continua le juge.
Marc baissa la tête, confus. Aux yeux de tous, il était visiblement coupable, mais il restait là, sans mot dire.
Le juge poursuivit :
- Si tu peux accomplir des travaux pour ton propre compte le samedi, rien ne t’empêche de travailler aussi pour le gouvernement ce jour-là. Je double ton amende. Tu es condamné à payer douze bœufs !
Molosiwa est resté un membre fidèle et actif de l’Église. Quant à Marc, il s’est éloigné de Dieu et ne prétend plus Le servir.
Puissions-nous tous, avec l’aide de Dieu, être des chrétiens véridiques et courageux. – B. I.